Éminent militant libriste, auteur de musiques électroniques, Laurent Séguin est mort à 44 ans. Personnalités et organisations des logiciels libres lui rendent hommage.
Laurent Séguin, ancien président de l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de logiciels libres) et figure du Libre en France depuis une quinzaine d’années, est mort le 2 novembre, à 44 ans. Cette triste nouvelle suscite des hommages de ceux qui ont connu ce militant passionné.
Un engagement sans faille pour le logiciel libre
Thierry Stoehr, qui l’a précédé à la présidence de l’AFUL («Il y fut très actif. Il en a été président à son tour de 2011 à 2019. Et toujours très apprécié»), évoque leur chambrée aux Rencontres mondiales du logiciel libre (RMLL) de 2008 à Mont-de-Marsan, entre autres «bribes pour dire la douleur et ne pas oublier».
Alexis Kauffmann, fondateur de Framasoft, dit lui aussi sa grande tristesse et relève que Laurent Séguin «aura beaucoup fait pour le libre francophone». Daniel Glazman évoque sur son site «mon ami, mon poteau, mon marin insubmersible. Je me souviens de tes éclats de rire, de ton enthousiasme, de ta chaleur. De ton amitié.» «Je me souviens de ton engagement sans faille, et de toujours, en faveur du Logiciel Libre.»
Laurent Séguin a eu une première carrière dans la Marine nationale, rappelle le CNLL, puis il «s’était investi dans les communautés du logiciel libre en France». Il avait été notamment responsable du GT Logiciel Libre du Pôle Systematic (devenu « hub Open Source »), entrepreneur, directeur commercial et marketing de plusieurs entreprises du logiciel libre, et last but not least créateur de musiques électroniques (libres, sous licence Creative Commons CC by) sous le pseudonyme de CyberSDF.
Le CNLL évoque ainsi sa mémoire:
«Toujours fidèle à ses principes, défendant avec force ses convictions (et il en avait dans plein de domaines!), mais aussi homme de contact et de dialogue, il était généreux avec tous de son temps, de ses idées, de ses contacts. “Enthousiaste”, “bienveillant”, “chaleureux”, “investi”, “perspicace”… voici quelques qualificatifs qui viennent à l’esprit de ceux qui l’ont côtoyé.»
Laurent Séguin était depuis 2019 vice-président de l’AFUL, rappelle l’association, qui exprime son émotion et souligne qu’il «était une figure emblématique du logiciel libre, notamment vers les entreprises». Il travaillait au sein de la SCOP «et entreprise en logiciel libre et égalitaire» Entr’ouvert.
« Très actif sur la définition de l’interopérabilité »
Laurent Séguin était également vice-président de l’Adullact (Association des Développeurs et Utilisateurs de Logiciels Libres pour les Administrations et les Collectivités Territoriales), délégué aux entreprises, et y représentait l’AFUL. François Elie, président de l’association, salue la mémoire de celui qui «était un expert avisé et reconnu du logiciel libre. Informaticien dans le service public, militant associatif infatigable, puis investi dans l’entreprenariat de service autour de logiciels métiers, il était aussi un ami de longue date de l’ADULLACT. Il va nous manquer ta lucidité, ton rire, tes histoires de parachutisme.»
Sur Linuxfr, Pierre Jarillon précise que «Laurent a été très actif sur la définition de l’interopérabilité. Je suis allé avec lui à la DISIC, ancêtre de la DINSIC pour présenter le résultat du travail du groupe de travail interop. Cette définition http://interoperability-definition.info/ est maintenant incluse dans le RGI, ce qui en fait la définition officielle de l’État.»
Dans cette interview de mars 2019 à Inria Alumni, Laurent Séguin expliquait les enjeux du logiciel libre et les menaces auxquelles il doit faire face, dont «le retour en force de la brevetabilité du logiciel» (long combat des années 2000 – gagné entre autres grâce à Michel Rocard au Parlement européen – et zombie revenant toujours).
Musique libre
S’il ne se voyait modestement pas tout à fait comme un musicien, Laurent Séguin s’était auto-interviewé sur ses productions sonores (169 musiques publiées) – sans révéler alors son identité, révèle à présent Framablog -, expliquant «je ne me considère pas comme un musicien qui maîtrise un instrument. Je me vois plutôt comme un manipulateur du travail des autres.» (toutes proportions gardées, voilà qui fait penser à des «bidouilleurs» comme Brian Eno)
«Composer de la musique puis la diffuser sous licence libre — licence CC by — faisait partie de ses engagements, et il le faisait avec talent», souligne l’April dans son article sur cette disparition, qui évoque cette «figure incontournable du libre, personne aux multiples talents».